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Introduction : la veille un pré requis à la gestion des risques
Dans la direction d’entreprise de fabrication de matériel technique, la gestion des risques est indispensable. Elle consiste à appréhender les aléas, les incertitudes et contribue à assurer la qualité dans les processus et les produits.
La gestion des risques permet de se repérer et d’agir simplement dans un environnement complexe. Elle s’adresse ici aux dirigeants et responsables dans les PME et ETI industrielles des secteurs exigeants de l’aéronautique, des installations sous-marines, de l’énergie, du transport civil et militaire.
La fabrication de matériel technique fait appel à la mise en œuvre de matières plastiques, métalliques et composites. Ces procédés industriels sont couteux à maitriser : temps long et investissements importants, de plus, ils sont soumis à des aléas d’ordre matériel, humain, réglementaire et économique.
Ces activités nécessitent une gestion maitrisée pour garantir des performances opérationnelles. La gestion des risques dans ce domaine permet de contrôler ses couts et de renforcer sa réputation d’excellence en assurant un niveau de qualité stable à toute épreuve.
Cet article propose de présenter un préalable à la gestion des risques : la veille, par une présentation didactique de cette démarche et les bonnes pratiques à avoir.
Le processus de veille : description en trois phases
Instaurer une veille permet de bien connaitre le cadre dans lequel l’entreprise évolue. Les contraintes et des opportunités sont repérées suffisamment tôt pour pouvoir contribuer à la gestion des risques. Celle ci est spécifique aux processus analysés dans le système de management de la qualité de votre entreprise.
La veille et les outils associés sont nécessaires mais pas suffisant. La veille est un pilier de la gestion des risques mais ne couvre pas l’ensemble de la maitrise des aléas. Il faudra donc aller plus loin, après la veille, vers les autres outils de la gestion des risques.
Phase exploratoire de la veille
La veille débute par une phase exploratoire. C’est la première étape dans laquelle le champ des recherches est délimité. Pour cela, les objectifs de la veille sont fixés en termes clairs, simples et accessibles.
Par exemple ,
- mettre en place une veille réglementaire sur le domaine métier de l’entreprise pour
- rester en conformité et anticiper des évolutions dans ses produits / services
- se tenir à jour dans sa pratique métier vis à vis des exigences normatives
- anticiper des formations qualifiantes à prévoir
- préparer un argumentaire commercial sur les avantages de son offre en terme de respects des normes
- envisager une certification, en préparant une analyse cout / bénéfice au préalable
- sonder des clients sur leur connaissance et intérêt sur lesdites normes visées.
- mettre en place une veille réglementaire sur le marché actuel et futur visé de l’entreprise pour
- identifier des opportunités et des menaces quant à l’évolution de l’activité,
- vérifier l’adéquation des moyens de l’entreprise dans ses réalisations
- auprès de ses clients actuels
- auprès de prospects , de futurs clients souhaités
- mettre en place une veille technologique pour
- suivre des technologies concurrentes : leurs applications, leur avantages et inconvénients par rapport à celle de votre entreprise
- suivre sa propre technologie , évolutions et alternatives, en évaluant les maturités
Il conviendra de renouveler cet exercice à une fréquence à déterminer selon l’environnement marché et métier.
Mise en place du processus de veille
En deuxième temps, il s’agit de mettre en place un processus de surveillance, c’est à dire définir les mécanismes, les protagonistes et les critères de la veille :
- Quels évènements seront scrutés sur les champs de veille retenus en phase exploratoire :
- modification, apparition, disparition,
- extension de domaine d’application
- changement de pilotage
- Qualifier, indiquer la qualité de l’information de veille
- source
- date
- auteur, autrice
- niveau de confiance / de certitude sur l’information (échelle à définir)
- qui aura cette responsabilité :
- en interne, ou en externe.
- équipe pluridisciplinaire, expert ou référent métier
- faut- il distinguer recueil et consignation des infos (interface ateliers/bureau, oral/ecrit)
- quel format prendront les résultats de la veille
- format utile et accessible aux destinataires
- usage : ils seront exploités dans les outils de gestion des risques : penser à relier par des mots clés , des termes communs
Mise en œuvre de la veille et partage
En troisième lieu, les personnes en charge, réalisent la veille. Pour cela il faut leur allouer:
- un temps dédié à cette veille
- une régularité
- les outils adéquats :
- abonnement nécessaire et suffisant aux sources
- logiciel : lecteur pdf, traitement de texte, base de donnée, etc
En quatrième et dernière phase du processus, elles partagent régulièrement leurs résultats via un mode convenu
- bulletin avec liste de diffusion, pour revue, pour info, pour réponse
- affichage dans lieux communs
- classeur à disposition
- à définir selon meilleur usage et retour d’expérience
Les destinataires de la veille sont chargés d’en prendre connaissance de façon régulière et assidue. Ils pourront ainsi intégrer ses éléments dans leur contribution aux revues des risques présentées dans les outils et bonne pratique , plus loin dans cet autre article sur la gestion des risques.
Le processus de Veille : applications
Nous avons vus les étapes du processus de veille , car cette démarche est un pré requis à la gestion des risques et à l’assurance qualité en entreprise, surtout pour les PME et ETI industrielles, de fabrication de matériel spécialisé à destination d’environnement exigeants.
Nous allons voir trois types de veille essentielles à mettre en œuvre pour ces entreprise de l’industrie, faisant appel à la transformation et ou assemblage de matériaux, métalliques, plastiques ou composites.
Veille réglementaire
La veille réglementaire consiste dans un premier temps sur la phase exploratoire, à recenser les règlementations à surveiller.
Parmi les réglementations , citons :
- les normes,
- les lois (avec décret d’application),
- les conventions,
- les directives,
- les publications
émis par la autorités pour lesquelles votre entreprise et les autres acteurs de votre secteur ou marché êtes responsables et redevables.
Parmi ces réglementations, vous prendrez soin de sélectionner celles qui sont pertinentes d’être vigilées selon des objectifs et des critères de satisfaction de vos parties prenantes (clients, salariés, investisseurs, financeurs, partenaires, fournisseurs, autorités).
Une fois les documents réglementaires à mettre sous surveillance identifiés, la mise en place de la surveillance s’effectue selon la mise en place du processus de veille expliqué ci-dessus.
Dans ce processus notons la sélection des évènements qui seront scrutés :
- changement d’état, apparition, disparition, refonte, révision,
- pré-qualifier la nature de ces évènements : mineure ou majeure, autre
- mots-clés pour préciser les paragraphes ou sections des règlementations à surveiller
- contributeurs aux normes, membres des comités de normalisation
- choix des groupes dans la classification desdites normes surveillées
aparté sur les contrats
Les contrats sont liés à la veille réglementaire, bien qu'ils soient à considérer à part entière. Assurez vous de possédez déjà une liste ou bibliothèque des contrats qui engagent votre entreprise. Si cela vous semble fastidieux , commencez par les principaux contrats les plus engageant en terme d'argent et de ressources de votre entreprise. Puis maintenez cette liste à jour et complétez là au fur et à mesure. Cette tâche peut être attribuée à plusieurs personnes à l'aise dans leur domaine. Cela suscitera aussi un partage de connaissance fructueux pour la prévention des risques. Les contrats engagent votre entreprise ou votre service / département dans un cadre réglementaire, ils vous distinguent de vos concurrents, ils sont spécifiques à votre entreprise. On comprend ici d'autant plus l'intérêt de la veille réglementaire dans la gestion des risques, pour celle des contrats et des négociations.
Veille concurrentielle
Cette veille recouvre la surveillance d’autres acteurs économiques opérant sur des domaines commun à votre entreprise, avec lesquels s’opère un partage du marché de vos clients.
La veille concurrentielle s’effectue sur des critères précis définis, citons quelques exemples :
- vos concurrents selon le prisme de votre secteur d’activité :
- entreprise au modèle dominant dans votre secteur
- émergent, nouvel arrivant dans le secteur
- leader du secteur
- outsider du secteur
- selon le prisme métier :
- entreprise la plus reconnue pour son excellence sur le même métier que le votre,
- nouveau concurrent d’un autre métier qui a diversifié sa clientèle,
- surveillance d’autres acteurs de ce métier éventuellement
- entreprise dont le métier se fait rare sur votre marché (chez vos clients) même et surtout si ce n’est pas le votre , repérer les liens qu’il pourrait y avoir
- concurrent dont l’impact sur la perception de l’ensemble du groupe est significatif
- groupes de concurrents : fédérations, associations professionnelles
- par zone géographique
- communes avec votre marché
- visées pour étendre votre marché
- présentant un intérêt particulier à consigner
- par environnement économique :
- régime de taxe, fiscalité
- accords de marché
- critère Made In France
- barrières douanières
Veille technologique
Cette veille vise à surveiller des acteurs à la fois privés et institutionnels sur des sujet de développement et maturation de technologies déterminantes pour l’activité de vote entreprise :
- laboratoires de référence
- centre techniques
- start ups
- communication R&T des concurrents
Une surveillance via les documents de propriété intellectuelle et industrielle peut se faire selon nécessité:
- brevets
- modèles
- papiers académiques :
- dans ce cas repérer les organes publiant ces papiers : comités, revues
La veille technologique nécessite d’être bien structurée :
- quelles technologies sont surveillées ? dans quel but ?
- Quels critères sont vigilés? par exemple :
- matériaux mis en œuvre,
- fonction,
- application,
- secteur (médical, alimentaire, militaire, civil, aérien, maritime, etc)
- environnement (air, espace, aquatique, acide, neutre)
- volume, dimension,
- quantification cout, dans quelle secteur
- zone d’activité, langage
Pour ce qui est du processus de veille, se référer au chapitre correspondant dans cet article en lien ICI .
Le niveau d’information pertinent est également en question : existence d’une technologie, photos en cours d’usage , plans de concept, plans de détail , matières utilisées, poids, dimensions, conditions associées, autant d’élément de qualification de la technologie à considérer pour la pertinence de la veille.
Structurer la veille , c’est effectuer un maillage, c’est permettre de regrouper des informations d’origines lointaines les unes des autres pour dresser un portrait d’une situation technologique. L’objectif c’est que l’information puisse etre utilisée dans l’entreprise ensuite, pour prédire, pour prendre des décisions, pour agir ou pour mesurer (un risque, un cout, une valeur, un délai).
Dans ce domaine la vérification des faits et des chiffres est primordiale, en vérifiant les sources des données, en croisant et en recoupant les informations par des sources différentes , en questionnant les intérêts des producteurs des informations.
La veille, pour aller plus loin
Nous avons vu comment mettre en place une démarche de veille dans l’entreprise, en PME et ETI industrielle, et les trois principaux types de veille à instaurer : Règlementaire, Concurrentielle et Technologique.
Il existe d’autre types de veille : sur des ressources rares (humaines ou matérielles) par exemple.
Nous avons présenté le processus de veille comme un pré-requis à la gestion des risques.
Pour aller plus loin, il est recommandé d’aller voir des outils à mettre en place et les démarches associées pour opérer cette gestion des risques au cours de l’activité de l’entreprise.
Bonnes pratiques pour exercer la veille, en tant que support à la gestion des risques
Intégration de la veille dans la culture d’entreprise
Pour que la veille soit pratiquée de manière efficace et régulière, il est important de proposer une sensibilisation et de susciter l’adhésion des équipes aux pratiques de gestion des risques.
Si la veille est une nouvelle pratique qui devra engager de nombreux participants, prévoyez un temps fort qui présente et qui montre la volonté et les raisons pour lesquelles vous voulez engager les équipes et votre entreprise à adopter cette démarche.
Une conférence inspirante est un format possible et adapté pour présenter la démarche de veille en entreprise, en faisant appel à un intervenant. La conférence aura pour objet de lancer et motiver les équipes sur la pratique de la veille, néanmoins, il est possible d’aborder des thèmes plus éloignés de votre entreprise qui font aussi appel à la pratique de veille, si cela peut susciter de la motivation.
Une autre option est de prévoir un atelier participatif animé par un spécialiste du sujet, qui apportera des exemples et des motivations à faire une veille.
Le ton et la manière de cadrer l’exercice peut s’apparenter au mode sportif, en mode expert, humoristique, sur l’univers du jeu, ou d’une entreprise leader d’un autre domaine, soyez créatif et soignez au maximum la qualité de ce temps, car cela marquera le ton pour la suite.
Ensuite prévoyez de communiquer régulièrement et longuement sur le sujet , par des affichages en salle commune, lieux de pause, lieux de réunions, lieu de travail (bureaux, ateliers).
Prévoyez de l’interaction, par des moyens de recueillir les questions et demandes sur le sujet : désigner une personne, établissez une FAQ (foire aux questions / frequently asked question), un document de référence sur le sujet.
Vous aurez à promouvoir et animer le sujet, valoriser quand une situation a pu être améliorée grâce à une veille : féliciter verbalement, partager un indicateur, inscrire un mot au tableau commun, la forme correspondra aux us et coutumes en place en prenant soin de respecter et mettre à l’aise les destinataires.
Valorisez les situations pénibles évitées, les risques bien gérés grâce à une anticipation, une information de qualité obtenue et partagée en avance de phase, au bon moment avec les bons interlocuteurs.
Vous pouvez initier puis laisser les participants proposer et prendre le relais sur les actions et façons de valoriser leur réussite tout en vérifiant regulièrement que c’est en phase avec les objectifs et les valeurs de l’entreprise.
La culture d’entreprise s’instaure sur la durée et dans la répétition. Elle se propage plus dans les actes et les faits que par proclamation. Elle se partage et se diffuse, puis se rappelle comme un cadre.
Elle se mesure par ce qui s’opère sans effort, naturellement, ce qui est convenu ce qui est considéré comme habituel. Profitez des personnes extérieures pour mesurer ce qui est perçu: questionner les intervenants de passage, un nouvel arrivant, un prestataire en intervention technique pour evaluer ce qui est en place par rapport à vos objectifs de culture d’entreprise, ici sur la veille.
Formation continue
Pour garantir la maitrise de la pratique de la veille, il est nécessaire de former le personnel aux outils, en voici une liste d’exemples variés :
- Grille d’observation et modèle pour consigner les informations remontées lors de visites ou d’échanges avec des personnes d’autres entreprises
- techniques de communication de terrain :
- quelques questions à poser selon contexte identifié listé, pour capter des éléments précieux
- quelques phrases préparées pour éviter de divulguer des informations
- recherche documentaire sur des sites spécialisés :
- site de brevets,
- site d’information sur les sociétés
- connaissance des comités de normalisation : identification, fonctionnement
- connaissance et fonctionnement des institutions de références : régulateur, laboratoire d’essai,
- pratiques d’analyses comparées en concurrence,
- méthode et organisation pour les participations à des salons d’innovation technologiques
- tableau de surveillance documentaire,
- concurrentielle :
- méthode d’analyse , de diffusion rapide et impactante : attirer l’attention au bon moment au bon sujet
Selon les situations habituelles et récurrentes, proposer la formation la plus adaptée à l’environnement habituel des personnes qui seront amener à collecter des informations de veille. A l’issue de la formation la personne sera ainsi capable d’utiliser facilement et régulièrement les pratiques et outils acquis.
Session de partage et revues régulières
Afin de garantir une démarche de veille adaptée : fréquence satisfaisante, mode de communication utilisés, cout d’acquisition des informations raisonnable en regard des bénéfices, prévoyez des sessions une à deux fois par an pour évaluer l’efficacité des pratiques, et l’apport de la veille dans la gestion des risques.
Au cours de ces sessions, les retours d’expérience doivent avoir un impact positif : commencer par un bilan chiffré , factuel suivi d’une partie qualitative (calibrée, circonstanciée), qui donne une vue d’ensemble aux participants.
Ensuite il convient d’indiquer en avance l’ordre du jour : des quelques points qui pourront etre vraiment traités pendant la session. Cela vise soit à
- questionner une future orientation,
- débloquer, résoudre des points gênants,
- améliorer une méthode,
- partager ce qui a bien fonctionné,
- si il est envisager d’étendre une pratique, penser à vérifier le contexte : est ce que cela peut s’appliquer à une autre situation ?
C’est l’occasion de recadrer le champ et les pratiques de veille
Conclusion
Cet article vous a présenté de manière générale et exhaustive les démarches et les outils pour mettre en place une veille en entreprise.
La veille est un processus qui permet d’alimenter le processus de gestion des risques, notamment très adapté pour soutenir un système de management de la qualité en entreprise.
Cette démarche est particulièrement nécessaire et adaptée aux fabricants de matériel spécial à destination d’environnements et de clients exigeants comme ceux de l’aéronautique, des installations sous marines et des équipements de transport civil et militaire.
Ces secteurs font appel à des cadres réglementaires, technologiques et concurrentiels complexes, et nécessitent des moyens de production dont la mise en oeuvre est longue et couteuse, raison pour laquelle la veille et la gestion des risques y sont indispensables.